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Déclaration de guerre

Avant même que Tikrit ne soit tombée sans combattre aux mains des forces d’occupation américaines, George Bush a affirmé dimanche 13 avril : « Nous croyons qu’il y a des armes chimiques en Syrie ». La même croyance, sans que ne soit produite la moindre preuve, a suffi aux États-Unis pour justifier leur guerre contre l’Irak. Hier, Donald Rumsfeld, Tommy Franks et Colin Powell, et ce soir, Richard Perle ont enfoncé le clou : « Nous allons trouver les armes de destruction massive » [1].
 
Cette déclaration sonne comme un ultimatum. Ivres d’une victoire facile et dépités de ne pas avoir trouvé la moindre trace d’ « armes de destruction massive » en Irak, George Bush, la bande des quatre [2] et Tommy Franks, chef du commandement central des forces américaines, menacent d’aller les chercher en Syrie. George Bush a seulement laissé dans le flou le mode et la date de l’intervention : « Chaque situation nécessite une réponse différente. Chaque chose en son temps. », selon Le Monde et « Chaque situation nécessite une réponse différente. Une chose après l’autre. », selon Le Parisien.
 
Cet ultimatum sonne comme une déclaration de guerre, car il vient après de nombreuses mises en garde à la Syrie. L’administration Bush, à court d’idées, répète le même scénario : accusation sans preuve, ultimatum et déclenchement d’une guerre « préventive ». La seule question est de savoir jusqu’où ira l’armée américaine pour trouver les preuves justifiant la guerre mondiale commencée en Irak le 20 mars 2003. Ira-t-elle les chercher dans les pays qui possèdent de vraies armes de destruction massive ? Ira-t-elle les chercher en Israël, en Grande-Bretagne, en France, en Russie, en Chine et aux États-Unis, qui est le seul pays, à ce jour, à avoir utilisé la bombe atomique contre les villes japonaises d’Hiroshima et Nagasaki en août 1945.
 
George Bush a certainement appris de son grand-père, Prescott Bush [3], que plus un mensonge est gros plus il a de chance d’être cru. Non sans ironie, Massoumeh Ebtekar, vice-présidente de la République islamique d’Iran, a rappelé à Richard Perle, conseiller du ministère de la Défense des USA, que la guerre contre l’Irak « n’était pas un moyen légitime pour amener un changement de régime » et que « aucune démocratie n’a jamais été installée par une occupation » militaire [4]. Que les dirigeants actuels de l’Iran, pays qui a subi pendant huit ans la guerre déclarée par l’Irak avec l’appui de plusieurs pays, dont la France, l’URSS et les États-Unis, se rangent du côté des envahisseurs d’hier en dit long sur l’incompréhension des stratèges de Washington de la haine que suscite leur politique criminelle au Moyen-Orient.
 
Serge LEFORT
14 avril 2003


[1] Émission Mots croisés sur France 2 du 14 avril 2003. Au générique de cette émission, un montage a établi un parallèle entre la mise en scène du déboulonnage de la statue de Saddam Hussein par l’armée américaine sur la place Al-Firdos de Bagdad (miraculeusement située à quelques pas de l’hôtel Palestine, où sont regroupés les journalistes) et la chute du mur de Berlin ou le déboulonnage de la statue de Lénine dans les pays de l’Est. Avec raison, Jean-Pierre Chevènement a dénoncé ces « images de propagande » destinées à faire croire que la guerre contre l’Irak serait une guerre de libération du peuple irakien.

[2] Dick Cheney, Donald Rumsfeld, Richard Perle et Paul Wolfowitz.

[3] Prescott Bush s’est associé à Fritz Thyssen, le banquier de Hitler, et à des cadres nazis pour faire du « commerce avec l’ennemi » pendant la guerre (LAURENT Eric, La guerre des Bush – Les secrets inavouables d’un conflit, Plon, 2003).

[4] Émission Mots croisés. Le débat franco-français entre Pierre Lelouche (UMP), François Bayrou (UDF), Pierre Moscovici (PS) et Jean-Pierre Chevènement (Mouvement républicain et citoyen) sur la réintroduction « dans le jeu » de l’ONU et de l’Europe fut alors bien dérisoire.

© Serge Lefort - Desde Coyoacán