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L'ordre des vainqueurs

Bush a proclamé sa victoire militaire avec cynisme. Comme au temps de la conquête de l’Ouest, il n’a pas eu un mot pour les vaincus. Il s’est vanté d’avoir conquis l’Irak en perdant moins de soldats américains qu’en 1991. Il n’a eu que mépris pour les soldats et les civils irakiens, tués ou blessés par les troupes américano-britanniques, en ne les prenant pas en compte dans son bilan.
 
Comme les saigneurs des peuples indiens d’Amérique, Bush comptabilise les territoires conquis et ignore les hommes, les femmes et les enfants massacrés par ses troupes. Bush a répandu le sang des Irakiens pour s’approprier leurs puits de pétrole et aussi pour terroriser tous les peuples du Moyen-Orient qui ne sont pas dans le camp des États-Unis.
 
Chirac se réjouit de la chute de Saddam Hussein en oubliant qu’il a contribué, avec d’autres, à la mise en place et à la survie de son régime. Le baron Seillière se plaint que de Villepin aurait marginalisé les entreprises françaises dans le partage du pétrole irakien en oubliant que, même si la France avait participé à la coalition contre l’Irak en 1991, elle n’avait obtenu que des miettes.
 
Derrière le discours hypocrite de la victoire de la démocratie sur la dictature se cache la réalité d’une colonisation de l’Irak. Personne n’a souligné le fait que les États-Unis n’ont pas signé de cessez-le-feu avec les dignitaires du régime qui se sont rendus ou qui ont été capturés. Ce qui veut dire que l’Irak n’est plus un pays souverain. Au cours de son invasion, les troupes américano-britanniques ont créé le chaos pour soumettre la population au nouvel ordre américain.
 
En attendant de mettre en place une administration à sa botte, les États-Unis occupent le terrain. Ils contrôlent les frontières, les puits de pétroles, les ministères et la population. Ils maintiennent les prisonniers, civils et militaires, dans des zones de non-droit. Ils tuent froidement tous ceux qui se mettent en travers de leur chemin. Ils s’arrogent le droit d’embaucher qui ils veulent à des postes subalternes en se réservant les postes de commandement.
 
Affaibli par la dictature de Saddam Hussein et par vingt-trois ans de guerre, le peuple irakien n’a pas les moyens politiques de s’opposer à l’occupation. Gageons que les États-Unis s’appuieront sur d’anciens cadres du régime pour maintenir l’ordre des vainqueurs. L’Irak deviendra alors une réserve où croupira une population de plus en plus pauvre tandis que le pétrole coulera à flot au profit de l’impérialisme américain.
 
Serge LEFORT
22 avril 2003

© Serge Lefort - Desde Coyoacán